Bao Vuong
The Waves’ Breathing
10 avril - 17 mai 2025Bao Vuong
The Waves’ Breathing
10 avril - 17 mai 2025
The Waves’ Breathing
Une lueur tremble dans l'obscurité, fragile, lointaine, comme une résonance à travers le temps et l’espace. Dans cette nouvelle série de Bao Vuong, la lumière n’est plus seulement une percée : elle est une présence, une révélation, une respiration suspendue entre la mer et le ciel.
La lumière qui surgit des tableaux nocturnes de Bao Vuong ne relève pas seulement de l’esthétique : elle est le reflet d’une mémoire profonde, celle d’un enfant emporté sur les flots, ballotté entre espoir et péril. En 1979, à quelques mois à peine, la mer accueille Bao et sa famille, fuyant le Vietnam sur une embarcation de fortune. La mer est alors un passage incertain, une frontière mouvante entre la vie et la disparition. Attaque de pirates, errance sans eau ni nourriture, refoulement brutal : la traversée est jonchée de tragédies. Après des jours et nuits d’errance sans moteur ni vivres, un nuage providentiel dans un ciel vide, sauve les assoiffés, avant qu’un bateau n’apparaisse enfin à l’horizon, comme une lumière salvatrice déchirant les ténèbres. L’enfant, que tout destinait à se perdre dans l’abîme, est sauvé ainsi que tous les boat people qui partagent son embarcation.
La France devient alors une terre d’accueil, un rivage où la vie reprend, où l’enfant devenu homme trouve peu à peu sa voie : celle de l’art. Mais le traumatisme traverse encore son corps et son esprit, et ce n’est que bien plus tard que la mer, son histoire, refait surface sous la forme de ses premières toiles noires. Peindre, c’est creuser cette nuit, écarter le noir pour en faire émerger une lumière, un souffle, une présence.
Le noir dans la série The Crossing est loin d’être un néant ; il est une matrice, un espace d’apprentissage et de transformation. Il est le support nécessaire à l’émergence de la lumière, cette force qui nous guide dans les tempêtes de la vie. Bao Vuong explore la dualité de l’existence : les doutes et l’espoir, la perte et la renaissance, se perdre pour mieux se retrouver. Chaque ombre porte en elle une lumière à révéler, une notion essentielle incarnée notamment par le Yin et le Yang. Ces œuvres ne sont pas statiques : elles palpitent, elles murmurent, elles résonnent avec l’histoire de ceux qui ont regardé la nuit, perdus dans son immensité, devant sa beauté et ses mystères.
Les toiles de cette nouvelle exposition à la Galerie Ceysson Bénétière à New York ont une lumière toute particulière. Elles se dévoilent comme des paysages nocturnes où le regard s’attarde, en quête d’un repère, d’une trouée, d’un passage vers l’inconnu. L’obscurité se dissout ; elle s’ouvre à des émergences lumineuses, à ces éclats subtils qui vibrent à la surface de la mer et font entrevoir de nouveaux espaces. Est-ce un appel ? Une promesse ? Une illusion ? Dans ces œuvres, la lumière semble venir d’un au-delà, irradiant un espace suspendu entre matière et vide, entre présence et absence. Elle est comme un murmure divin, un éclat céleste qui perce l’épaisseur de la nuit. L’horizon s’illumine et devient un seuil : une terre promise, une destination inespérée, une invitation à poursuivre la traversée de la vie.
La mer est une entité vivante, une force respirante qui nous enveloppe et nous transforme. Lorsqu’on s’y aventure, notre souffle change, l’air salé emplit les poumons, et dans cette immersion, quelque chose se renouvelle. Quitter la terre, c’est quitter un ancien soi, s’abandonner à une métamorphose. L’air de la mer lave, efface, prépare à un renouveau, à l’inconnu des découvertes. Son ressac est un rythme, une pulsation qui accompagne chaque voyage, une respiration maternelle qui invite à la renaissance. Chaque traversée, qu’elle soit réelle ou intérieure, est une plongée vers l’inconnu.
Comme les âmes en errance qui cherchent un passage, comme les étoiles lointaines qui tracent des chemins invisibles, la lumière dans ces œuvres n'est pas seulement un phénomène optique. Elle est une présence, une force mystérieuse qui veille et qui guide. Cette clarté, qu’on pourrait croire venue d’un autre monde, c’est celle qui a sauvé l’artiste enfant, celle qui l’habite encore, celle qui brille pour tous ceux qui cherchent un rivage.
Bao Vuong, à travers son œuvre The Crossing, porte ces histoires maritimes, celles des exilés, des disparus, des rescapés, mais aussi des aventuriers que nous sommes, car, comme il aime à le dire : "nous sommes tous des survivants". Il est devenu un passeur de mémoire, un témoin de ces traversées silencieuses que la mer garde en son sein. Dans ses toiles, il rend visible l’invisible, il donne un visage aux nuits de ceux qui partent, il fait entendre le souffle de ces vagues où tout se joue, où tout est remous.
Artiste de l'exposition : Bao Vuong
Informations Pratiques
Ceysson & Bénétière
956 Madison Avenue
10021 New York
T: +1 646 678 3717