Claude Viallat

Idem

22 mars - 24 mai 2025

Claude Viallat

Idem

22 mars - 24 mai 2025




 

IDEM


Les œuvres récentes de Claude Viallat confirment une continuité de fabrication qui, depuis 1966, a construit sa propre tradition en affirmant et affinant, pour ceux qui y ont prêté ou y prêtent attention, des « qualités » caractéristiques de ce que l’on peut appeler une « esthétique ». Elle s’énonce, d’une certaine manière, par la répétition d’une forme, chaque fois unique et chaque fois semblable à toutes les autres, soit sur un support de toile non tendue sur châssis soit sur plusieurs supports de toiles raboutés. (…) Depuis quelques années, substituées à ce type de support, il assemble de vastes surfaces oblongues de tissus raboutés de telle façon qu’un vide découpe, intégré à l’œuvre, un espace sur le mur d’accrochage. À voir ces œuvres, on les imagine ébauchant une sorte de dialogue avec certaines de celles de Frank Stella.


Il est vrai que la planéité n’est pas sa principale préoccupation : il tient aux plis de ses toiles – dans certains musées vigoureusement repassées et à toutes les saillies des coutures, des sutures réparatrices et des attifiaux qui marquent leur surface.


Ce relief stiacciato ramène la peinture dans la proximité de la sculpture et la reconduit au statut d’un objet saillant du mur dans l’espace réel. L’exigence pariétale de Claude Viallat, surtout dans les raboutages, nous incite à ne pas négliger ce rapport au mur et donc à la tapisserie, à son tissage artisanal, magnifiée durant les années de formation de Claude Viallat.


Ces réemplois détournent les fonctionnalités premières. Voire ils les inversent, un peu comme le fait le renversement de la Roue de bicyclette ? Sont-ils des sortes de readymades ? Des dérivations des collages et des assemblages ? Des suites déroutant les décisions des nouveaux réalistes ? Peut-être ? Mais différemment et plus, voire mieux, que dans les readymades, collages et assemblages, tels que ceux-ci en jouent, c’est un feuilleté, un tressage, des nœuds de vécus, d’histoires qui s’entremêlent, s’enchevêtrent que Claude Viallat concocte.


La répudiation du châssis et l’apposition de sa forme – Viallat sur ce point a été plus fasciné par l’exemple de Rodtchenko tel que décrit par Taraboukine que par celui d’Yves Klein – engendrent bien un nouveau genre pictural. Je ne mentionnerai ici, comme preuves, que les nouveaux modes de travail, de conservation des œuvres et de leur stockage, de transport et de présentation qui en découlent. Et, bien sûr, le rituel chorégraphique, symbolique, que leur monstration exige. Le dépliage au sol de la toile, son élévation, redressée au mur, sa fixation pour sa présentation, nécessitent, souvent, trois intervenants. Comme y contraint aussi sa déposition, après le glissement de sa descente du mur, son repliage puis son remisage. Mais il faut prendre garde à ne pas surinterpréter ce cérémonial, même s’il est évocateur de la Passion du Christ telle que rejouée dans la célébration de l’office de la peinture. Et même si la capillarisation de la toile imprégnant la couleur dans la texture du tissu renoue avec la Vera Iconica, ce voile avec lequel une femme pieuse témoigne de sa compassion envers Jésus en essuyant la sueur de son visage, de sa face, Claude Viallat, comme toujours, dans son travail ne se satisfait pas d’une monosémie réduisant le travail de peinture à une illustration, à une istoria. 


Mais sans que soit négligé le dessin, un dessin non pas « établi » par un tracé virtuose, comme celui que d’un cercle fit Giotto pour épater l’envoyé du pape, mais par les lignes matérielles des supports utilisés et les découpes de leurs contours. À ce dessin fonctionnel s’ajoute celui, tout aussi fonctionnel, du tracé peint ou du contour sec ou plus ou moins effrangé né de celui du pochoir de la forme, de cette forme unique et, en même temps, générique dont l’apposition et la répétition font l’œuvre, démentant le reproche hâtif trop souvent entendu : « Viallat ? C’est toujours la même chose. » Cette forme fonctionne cependant comme un motif ornemental, tel un emblème dans le champ d’un blason. Elle est une impresa identifiante, dont le motto serait : « Viallat me invenit et fecit », non inscriptible sur un uniforme. 


Parmi les œuvres récentes, certaines font ostension d’une austérité qui contraint la couleur. Comme si une sorte de souci d’une sévère mélancolie la haussait à une expressivité presque tragique corrodant la « méthode Viallat » – au sens que prête le très cartésien André Lhote à ce terme. Est-ce tout soudain la question du primat du dessin sur la couleur qui est à nouveau soulevée et le retour au vieux débat taraudant les artistes français depuis Roger de Piles ?

 




Artiste de l'exposition : Claude Viallat


Informations Pratiques

Ceysson & Bénétière