Aurélie Pétrel
Tracks/repeat, commissaire d'exposition : Alexandre Quoi
24 octobre - 14 décembre 2019Aurélie Pétrel
Tracks/repeat, commissaire d'exposition : Alexandre Quoi
24 octobre - 14 décembre 2019
Tracks/repeat trouve son origine dans l’exposition Tracks, curatée par Alexandre Quoi, en décembre 2018, à New York. La présentation à Saint-Étienne de ce parcours dans l’œuvre d’Aurélie Pétrel répète donc l’exposition new-yorkaise, tout en la prolongeant jusqu’aux dernières productions de l’artiste.
Le projet consiste en effet à retracer le chemin qu’elle a parcouru depuis une dizaine d’années, à révéler les matérialisations de l’empreinte et du sillon dans ses diverses manipulations photographiques, et à agencer entre elles des séries de travaux emblématiques et de nouvelles productions comme les différentes pistes d’une bande-son. Ce bilan rétrospectif entend ainsi éclairer une démarche singulière qui s’attache à déconstruire le processus de production des images photographiques.
La sélection d’une quinzaine d’œuvres parmi un riche corpus s’est opérée à partir d’une pièce spécifiquement conçue pour l’occasion, Process, laquelle traduit en huit formes schématiques distinctes les protocoles régissant en permanence ce travail. Cet ensemble de diagrammes géométriques, qui dresse une cartographie mentale des modes opératoires de l’artiste, s’offre comme un guide à la visite pour saisir une méthode aussi rigoureuse que programmatique. Décrivons-en brièvement les grands principes, en notant d’emblée que le temps et l’espace, données constitutives du procédé photographique, sont au cœur d’une telle réflexion sur la redistribution de l’économie de l’image et de ses potentialités plastiques.
Les recherches d’Aurélie Pétrel s’articulent autour de cycles successifs et de plusieurs points d’ancrage géographiques – les villes de Shanghai, Tokyo, Paris, Leipzig, Montréal, New York et le village de Romme dans les Alpes –, qui la conduisent à mener des campagnes de prises de vue au long cours sur un thème ou un contexte spécifique. Lors de cette première étape, la photographie est abordée comme un outil usuel de prélèvement de gestes et de situations, un instrument de mesures spatio-temporelles. La récolte de ces clichés s’accompagne ensuite d’un lent travail de sélection pour constituer des séries photographiques tirées sur papier baryté dans un format standard. L’artiste les conserve dans un meuble à archives en acier et les nomme « prises de vue latentes », en empruntant un terme technique qui désigne une image avant sa révélation chimique.
Dans un second temps, ce stock de photographies en jachère est activé selon des « partitions photographiques ». Cette notion, forgée par Aurélie Pétrel pour qualifier sa procédure, indique par une analogie à la fois musicale et chorégraphique comment l’image source, semblable à une note, est rejouée et réinterprétée lors du travail en atelier et selon le contexte de monstration. À rebours des caractéristiques d’instantanéité et de fixité d’ordinaire attachées au médium photographique, elle préfère donc celles de la durée et de l’impermanence. Ses images, labiles et quasi performatives, sont dès lors soumises à toute une syntaxe d’activations, de déplacements et de transformations. Cette diversité créative s’exprime à travers les œuvres multiformes réunies dans l’exposition. S’y déploient les différents matériaux et procédés employés pour transférer et manipuler les images, du tirage sur supports papier en passant par l’impression sur verre, bois, métal ou plâtre.
Nourrie par la double culture de l’argentique et du numérique, la génération à laquelle appartient Aurélie Pétrel manifeste un intérêt grandissant pour l’interdisciplinarité, qui ouvre le médium à de fructueuses hybridations. L’architecture, tout autant que la sculpture et l’installation, imprègnent dans son cas le traitement en volume des images et leur intégration au sein de dispositifs qui interagissent avec l’environnement d’accueil. À tel point que l’on pourrait parler d’une « photographie étendue », pour reprendre une expression formulée par l’artiste et théoricien Peter Weibel à propos de pratiques expérimentales des années 1970. Héritière de l’état d’esprit analytique qui inspira à l’époque une profonde remise en cause des conventions photographiques, Aurélie Pétrel suit assurément une voie post-conceptuelle. Elle ne s’enferme pas pour autant dans un exercice d’autoréflexivité, non moins qu’elle ne vise une quelconque autonomie de son langage formel. Ses œuvres convient au contraire le regard et le corps du spectateur à une expérience phénoménologique, au sens étymologique le plus strict du terme, à savoir l’étude de ce qui apparaît.
Jeux d’échelle et d’agrandissement, de transparence et d’opacité, de reflet et de parallaxe, de mise en abyme et de compression, de découpe et de fragmentation, le large registre des effets exploités n’a de cesse d’agir sur les phénomènes perceptifs, jusqu’à provoquer une dissolution de la représentation. C’est bel et bien l’enseignement qu’apportent les pièces de l’exposition, véritable ligne directrice de cette investigation photographique : la nécessité de considérer la photographie en tant que processus d’abstraction.
Le projet consiste en effet à retracer le chemin qu’elle a parcouru depuis une dizaine d’années, à révéler les matérialisations de l’empreinte et du sillon dans ses diverses manipulations photographiques, et à agencer entre elles des séries de travaux emblématiques et de nouvelles productions comme les différentes pistes d’une bande-son. Ce bilan rétrospectif entend ainsi éclairer une démarche singulière qui s’attache à déconstruire le processus de production des images photographiques.
La sélection d’une quinzaine d’œuvres parmi un riche corpus s’est opérée à partir d’une pièce spécifiquement conçue pour l’occasion, Process, laquelle traduit en huit formes schématiques distinctes les protocoles régissant en permanence ce travail. Cet ensemble de diagrammes géométriques, qui dresse une cartographie mentale des modes opératoires de l’artiste, s’offre comme un guide à la visite pour saisir une méthode aussi rigoureuse que programmatique. Décrivons-en brièvement les grands principes, en notant d’emblée que le temps et l’espace, données constitutives du procédé photographique, sont au cœur d’une telle réflexion sur la redistribution de l’économie de l’image et de ses potentialités plastiques.
Les recherches d’Aurélie Pétrel s’articulent autour de cycles successifs et de plusieurs points d’ancrage géographiques – les villes de Shanghai, Tokyo, Paris, Leipzig, Montréal, New York et le village de Romme dans les Alpes –, qui la conduisent à mener des campagnes de prises de vue au long cours sur un thème ou un contexte spécifique. Lors de cette première étape, la photographie est abordée comme un outil usuel de prélèvement de gestes et de situations, un instrument de mesures spatio-temporelles. La récolte de ces clichés s’accompagne ensuite d’un lent travail de sélection pour constituer des séries photographiques tirées sur papier baryté dans un format standard. L’artiste les conserve dans un meuble à archives en acier et les nomme « prises de vue latentes », en empruntant un terme technique qui désigne une image avant sa révélation chimique.
Dans un second temps, ce stock de photographies en jachère est activé selon des « partitions photographiques ». Cette notion, forgée par Aurélie Pétrel pour qualifier sa procédure, indique par une analogie à la fois musicale et chorégraphique comment l’image source, semblable à une note, est rejouée et réinterprétée lors du travail en atelier et selon le contexte de monstration. À rebours des caractéristiques d’instantanéité et de fixité d’ordinaire attachées au médium photographique, elle préfère donc celles de la durée et de l’impermanence. Ses images, labiles et quasi performatives, sont dès lors soumises à toute une syntaxe d’activations, de déplacements et de transformations. Cette diversité créative s’exprime à travers les œuvres multiformes réunies dans l’exposition. S’y déploient les différents matériaux et procédés employés pour transférer et manipuler les images, du tirage sur supports papier en passant par l’impression sur verre, bois, métal ou plâtre.
Nourrie par la double culture de l’argentique et du numérique, la génération à laquelle appartient Aurélie Pétrel manifeste un intérêt grandissant pour l’interdisciplinarité, qui ouvre le médium à de fructueuses hybridations. L’architecture, tout autant que la sculpture et l’installation, imprègnent dans son cas le traitement en volume des images et leur intégration au sein de dispositifs qui interagissent avec l’environnement d’accueil. À tel point que l’on pourrait parler d’une « photographie étendue », pour reprendre une expression formulée par l’artiste et théoricien Peter Weibel à propos de pratiques expérimentales des années 1970. Héritière de l’état d’esprit analytique qui inspira à l’époque une profonde remise en cause des conventions photographiques, Aurélie Pétrel suit assurément une voie post-conceptuelle. Elle ne s’enferme pas pour autant dans un exercice d’autoréflexivité, non moins qu’elle ne vise une quelconque autonomie de son langage formel. Ses œuvres convient au contraire le regard et le corps du spectateur à une expérience phénoménologique, au sens étymologique le plus strict du terme, à savoir l’étude de ce qui apparaît.
Jeux d’échelle et d’agrandissement, de transparence et d’opacité, de reflet et de parallaxe, de mise en abyme et de compression, de découpe et de fragmentation, le large registre des effets exploités n’a de cesse d’agir sur les phénomènes perceptifs, jusqu’à provoquer une dissolution de la représentation. C’est bel et bien l’enseignement qu’apportent les pièces de l’exposition, véritable ligne directrice de cette investigation photographique : la nécessité de considérer la photographie en tant que processus d’abstraction.
Alexandre Quoi, novembre 2018.
Artiste de l'exposition : Aurélie Pétrel
Informations Pratiques
Ceysson & Bénétière
8 rue des Creuses
42000 Saint-Étienne
Mercredi – Samedi
14h – 18h
T: + 33 4 77 33 28 93