Noël Dolla
L'oiseau ne sait pas le vertige
17 octobre - 07 décembre 2019Noël Dolla
L'oiseau ne sait pas le vertige
17 octobre - 07 décembre 2019
« Moi, je m’en vais à la gare de Clamart, battue en brèche toutes les nuits par l’artillerie versaillaise. On va au fort d’Issy par une petite montée entre des haies, le chemin est tout fleuri de violettes qu’écrasent les obus. »
Louise Michel – La Commune (1898).
Au dernier étage d’un hôtel parisien, Noël Dolla grille une clope. Il admire deux oiseaux amoureux qui chahutent, deux merles qui ne savent pas le vertige. Le titre de l’exposition s’impose à lui. La formule poétique agit comme une métaphore. Celle du travail à l’atelier, de la peur de faire et de défaire, des doutes permanents et invasifs, la peur de ne pas y arriver, de ne pas tenir la distance, de ne plus se réinventer, la peur d’un vertige que tou.te.s les artistes affrontent au quotidien. Pour résister aux peurs et aux doutes, Noël Dolla a fait de l’expérience du jeu et de la contrainte, des principes de création et de mutations constantes. Ces derniers lui permettent d’éviter l’écueil des convictions, de lutter contre l’ennui, d’installer un mouvement permanent dans sa recherche picturale et de déjouer les formules séduisantes. Selon Marcel Duchamp : « la répétition, c’est la mort ». Trois points de couleur, 20 mètres de tarlatane, une couleur unique, une croix, un pli, une trace de fumée, les contraintes sont matière à (dé)construction sur la toile comme dans l’espace. Il s’agit alors de déplacer sans cesse les enjeux de la peinture pour la faire vivre.
Noël Dolla a longtemps pratiqué l’escalade. « Perché au plus haut de la falaise, on regarde parfois ses pieds avec le désir de voler. »1 Il s’agit alors de se dépasser – physiquement et psychologiquement – dans l’ascension, d’accepter la part d’inconnu inhérente à l’aventure, « de ne jamais faire marche arrière et d’essayer d’éviter le repentir. » Le jeu, la contrainte et l’expérimentation sont des outils pour toujours parvenir à bousculer les codes établis, pour déconstruire le bon ordre calme et rassurant, pour désobéir afin que la peinture ne s’évanouisse pas silencieusement entre le rideau, la table basse et le canapé.
À l’occasion d’une nouvelle exposition personnelle à la galerie Ceysson & Bénétière, Noël Dolla procède à une véritable restructuration spatiale par la peinture. L’artiste la métamorphose, la déstructure, la sature et la complexifie en créant un paysage formé de triangles de géotextiles blancs et translucides. Tout comme les serpillières, les taies d’oreillers, les draps, les mouchoirs, les gants de toilette, les bandes de tarlatane ou les torchons, le géotextile est un matériau pauvre. Du sol au plafond, les toiles libres, dotées de différentes dimensions, envahissent l’espace de la galerie. Elles sont parsemées de trous, des hublots à travers lesquels « on ne voit plus la totalité du paysage, nous sommes limités dans notre perception ». Derrière les snipers géotextiles, sont en effet présentées des œuvres issues de différentes séries choisies spécifiquement pour l’exposition. Il nous faut produire un effort pour déjouer les voilements et dévoilements. Étant Donné de Marcel Duchamp reste une référence incontournable pour l’artiste. « Avec un œil unique, tu perds la perspective. Le dispositif malin nous oblige à voir une œuvre en volume comme un tableau. » Dans une note, il ajoute que « c’est par cette astuce géniale qu’à la fin de sa vie, Marcel Duchamp par une pratique assidue du bricolage nous renvoie à l’histoire de la peinture, sans en faire. »
À la surface des tissus, Noël Dolla compose avec la peinture qui est envisagée comme un corps. Ce dernier est littéralement soufflé au moyen d’un fusil à air comprimé. La violence de l’explosion génère l’apparition de ce que l’artiste appelle ses Fleurs du mal. « C’est un champ de fleurs, où, des corps, des éclats de vie, des tripes, des membres, des yeux, le blanc éclatant des dents, le noir de jais des cheveux, les bruns des peaux et les gris des viscères des corps déchiquetés se mêlent. Dans un ordre particulier la couleur a été dispersée à la surface de la toile. Des tirs multiples ont pulvérisé ces tâches multicolores pour faire naître la terre, où s’épanouissent de tristes et belles fleurs mortuaires. » 2 À la dimension poétique se frotte un engagement politique sans faille. Les fleurs du mal de Noël Dolla sont estampillées d’une date : le 14 mai 2018. 3
Louise Michel – La Commune (1898).
Au dernier étage d’un hôtel parisien, Noël Dolla grille une clope. Il admire deux oiseaux amoureux qui chahutent, deux merles qui ne savent pas le vertige. Le titre de l’exposition s’impose à lui. La formule poétique agit comme une métaphore. Celle du travail à l’atelier, de la peur de faire et de défaire, des doutes permanents et invasifs, la peur de ne pas y arriver, de ne pas tenir la distance, de ne plus se réinventer, la peur d’un vertige que tou.te.s les artistes affrontent au quotidien. Pour résister aux peurs et aux doutes, Noël Dolla a fait de l’expérience du jeu et de la contrainte, des principes de création et de mutations constantes. Ces derniers lui permettent d’éviter l’écueil des convictions, de lutter contre l’ennui, d’installer un mouvement permanent dans sa recherche picturale et de déjouer les formules séduisantes. Selon Marcel Duchamp : « la répétition, c’est la mort ». Trois points de couleur, 20 mètres de tarlatane, une couleur unique, une croix, un pli, une trace de fumée, les contraintes sont matière à (dé)construction sur la toile comme dans l’espace. Il s’agit alors de déplacer sans cesse les enjeux de la peinture pour la faire vivre.
Noël Dolla a longtemps pratiqué l’escalade. « Perché au plus haut de la falaise, on regarde parfois ses pieds avec le désir de voler. »1 Il s’agit alors de se dépasser – physiquement et psychologiquement – dans l’ascension, d’accepter la part d’inconnu inhérente à l’aventure, « de ne jamais faire marche arrière et d’essayer d’éviter le repentir. » Le jeu, la contrainte et l’expérimentation sont des outils pour toujours parvenir à bousculer les codes établis, pour déconstruire le bon ordre calme et rassurant, pour désobéir afin que la peinture ne s’évanouisse pas silencieusement entre le rideau, la table basse et le canapé.
À l’occasion d’une nouvelle exposition personnelle à la galerie Ceysson & Bénétière, Noël Dolla procède à une véritable restructuration spatiale par la peinture. L’artiste la métamorphose, la déstructure, la sature et la complexifie en créant un paysage formé de triangles de géotextiles blancs et translucides. Tout comme les serpillières, les taies d’oreillers, les draps, les mouchoirs, les gants de toilette, les bandes de tarlatane ou les torchons, le géotextile est un matériau pauvre. Du sol au plafond, les toiles libres, dotées de différentes dimensions, envahissent l’espace de la galerie. Elles sont parsemées de trous, des hublots à travers lesquels « on ne voit plus la totalité du paysage, nous sommes limités dans notre perception ». Derrière les snipers géotextiles, sont en effet présentées des œuvres issues de différentes séries choisies spécifiquement pour l’exposition. Il nous faut produire un effort pour déjouer les voilements et dévoilements. Étant Donné de Marcel Duchamp reste une référence incontournable pour l’artiste. « Avec un œil unique, tu perds la perspective. Le dispositif malin nous oblige à voir une œuvre en volume comme un tableau. » Dans une note, il ajoute que « c’est par cette astuce géniale qu’à la fin de sa vie, Marcel Duchamp par une pratique assidue du bricolage nous renvoie à l’histoire de la peinture, sans en faire. »
À la surface des tissus, Noël Dolla compose avec la peinture qui est envisagée comme un corps. Ce dernier est littéralement soufflé au moyen d’un fusil à air comprimé. La violence de l’explosion génère l’apparition de ce que l’artiste appelle ses Fleurs du mal. « C’est un champ de fleurs, où, des corps, des éclats de vie, des tripes, des membres, des yeux, le blanc éclatant des dents, le noir de jais des cheveux, les bruns des peaux et les gris des viscères des corps déchiquetés se mêlent. Dans un ordre particulier la couleur a été dispersée à la surface de la toile. Des tirs multiples ont pulvérisé ces tâches multicolores pour faire naître la terre, où s’épanouissent de tristes et belles fleurs mortuaires. » 2 À la dimension poétique se frotte un engagement politique sans faille. Les fleurs du mal de Noël Dolla sont estampillées d’une date : le 14 mai 2018. 3
Julie Crenn, juillet 2019.
1. sauf mention, les citations sont extraites d'une conversation menée avec l'artiste le 1 juillet 2019.
2. l'écriture est un exercice important pour Noël Dolla. Pour mettre des mots sur saréflexion, il rédige des notes personnelles au fil de ses recherches. La citation est extraite d'une note datée du 7 avril 2019.
3. Journée sanglante à Gaza lors de la manifestation contre l'ambassade des États-Unis à Jérusalem. Le Monde, 15 mai 2018.
Note du titre de l'exposition : "Il jette en arrière un regard de reconnaissance pour ses voyages, pour sa dureté et son aliénation de soi-même, pour ses regards au loin et ses vols d’oiseau dans les hauteurs froides."
Friedrich Nietzsche, Humain trop humain, 1878.
1. sauf mention, les citations sont extraites d'une conversation menée avec l'artiste le 1 juillet 2019.
2. l'écriture est un exercice important pour Noël Dolla. Pour mettre des mots sur saréflexion, il rédige des notes personnelles au fil de ses recherches. La citation est extraite d'une note datée du 7 avril 2019.
3. Journée sanglante à Gaza lors de la manifestation contre l'ambassade des États-Unis à Jérusalem. Le Monde, 15 mai 2018.
Note du titre de l'exposition : "Il jette en arrière un regard de reconnaissance pour ses voyages, pour sa dureté et son aliénation de soi-même, pour ses regards au loin et ses vols d’oiseau dans les hauteurs froides."
Friedrich Nietzsche, Humain trop humain, 1878.
Artiste de l'exposition : Noël Dolla
Informations Pratiques
Ceysson & Bénétière
23 rue du Renard
75004 Paris
Mardi – Samedi
11h – 19h
T: + 33 1 42 77 08 22